Floralies 1967

Floralies Internationales d’Orléans : 50 ans déjà


Du 22 avril au 15 octobre 1967, 6 mois de féerie, d’explosions de couleurs et de parfums, de parterres éblouissants, de promenades enchantées pour les petits et les grands. 6 mois où tous les jardins de France et d’ailleurs s’étaient donné rendez-vous à l’ombre des arbres séculaires du Parc de la Source, attirant une foule innombrable. 6 mois survoltés de rencontres, de partages, de surprises, d’animation et d’émulation exceptionnelles.

 

 

C’est à cet évènement majeur, qui a eu pour la région toute entière les plus heureux échos, que le Parc doit sa forme actuelle et ses paysages, même si, depuis, il a poursuivi ses métamorphoses au gré de l’air du temps, au fil de l’eau et des saisons, mariant avec bonheur nature et culture, flânerie, farniente et leçons de choses, horticulture et poésie.

En 10 chroniques buissonnières, Anne-Marie Royer-Pantin fait revivre cette manifestation horticole et touristique de très grande envergure, qui a fait date dans l’histoire du Parc. A suivre…

Episode 1
Episode 2
Episode 3
Episode 4
Episode 5
Episode 6
Episode 7
Episode 8
Episode 9
Episode 10

 


épisode n°1

Les Floralies, une formidable aventure, menée tambour battant…

Tout a commencé par un rêve, un grand rêve un peu fou : réaliser à Orléans la plus grande démonstration horticole jamais organisée en France, dans l’écrin précieux du Parc Floral (le premier Parc Floral créé dans notre pays) qu’on était en train d’aménager en un catalogue vivant des plus belles fleurs et plantes d’ici et d’ailleurs. La formule était neuve et laissait libre cours à l’imagination. On allait donc faire les choses en grand !

Tous les jardiniers (ou presque) d’Orléans et du Loiret – horticulteurs, pépiniéristes, paysagistes, spécialistes en matériel de jardin – vont se retrousser les manches, sous la houlette d’une association réunissant le département, la ville d’Orléans et les groupements d’horticulteurs locaux. « Mille paires de bras sur un chantier interdit aux pessimistes ! » titrait la République du Centre début avril 1967.

 

 

Et quel chantier ! On a charrié 30 000 m3 de terre végétale, terreau et terre de bruyère, déplacé 300 tonnes de rochers, installé 350 tonnes de dalles pour les cheminements, aménagé 17 km d’allées, semé des hectares de pelouse, disposé 800 bancs, planté des centaines de milliers d’arbres et arbustes pour les décors, construit 15 000 mètres carrés de serres pour abriter mille espèces délicates, prévu 12 000 places de parking tout autour du Parc et un camping de 10 hectares (à l’emplacement de l’actuel hôpital de la Source), posé 3 km de voie, avec une gare et un tunnel, pour faire circuler un petit train tiré par une locomotive à vapeur.

En même temps sortent de terre, comme des champignons, des bâtiments très éclectiques : à côté des vastes halls d’exposition, des architectes de renom (Louis Arretche, Jean Prouvé) créent des structures remarquables et novatrices comme la serre-restaurant et les bâtiments abritant l’administration. Des modèles de résidences secondaires, des maisonnettes rustiques à poutres apparentes et de charmantes petites « fabriques » côtoient des réalisations carrément futuristes dues à des artistes visionnaires, comme la maison coquillage de Pascal Häusermann, les maisons-coques sur pilotis de Gérard Grandval… Au nord, de l’autre côté du Dhuy, un espace baptisé « Flor village » regroupe toutes les activités liées au jardin, tandis que le fameux village gaulois, Floralix, dominé par son ambitieux temple gallo-romain, promet d’être le clou du spectacle ! Sans oublier une soixantaine de sculptures contemporaines d’artistes de grande réputation, parsemées au milieu des parterres.

 

 

Et dans cet immense décor s’activent 320 exposants représentant une quinzaine de pays, pour mettre en scène des millions de fleurs qui vont constituer le plus beau jardin d’Europe. Malgré les aléas climatiques, l’enthousiasme ne faiblit pas et tout est prêt (enfin presque) pour l’inauguration : parrainées par le Général de Gaulle et son Premier Ministre Georges Pompidou, les Floralies sont inaugurées le 22 avril 1967 en présence d’Edgar Faure, Ministre de l’Agriculture, accompagné du Ministre des Anciens Combattants Henri Duvillard et de toute une brochette de personnalités dont notre académicien Maurice Genevoix. Ils sont accueillis par le maire Roger Secrétain et par Marcel Turbat, président du Comité International des Floralies. Après les discours, on coupe le traditionnel ruban, qui est en l’occurrence une guirlande de roses.

Le coup d’envoi est donné, et comme le titre la République du Centre ce jour-là : « l’Orléanais est pour 6 mois le jardin du monde. »  L’inauguration est amplement médiatisée : Paris-Match consacre un numéro spécial aux Floralies. Et dès le lendemain, le dimanche 23 avril, 25000 visiteurs se précipitent au Parc malgré le temps incertain. La grande machine des Floralies est désormais en route, et, chaque jour, il va s’y passer quelque chose…

 


épisode n°2

Aux Floralies, l’important c’est la Rose…

Lorsqu’est créé en 1964 le Parc Floral de la Source, qui va servir d’écrin aux Floralies Internationales trois ans plus tard, Orléans s’enorgueillit d’être la capitale européenne de la rose : au cœur d’une région où les champs de roses s’étendent à perte de vue, elle produit alors environ 5 millions de rosiers par an et exporte dans le monde entier. Il était normal que la rose, fleuron du terroir orléanais, soit mise à l’honneur au Parc et qu’elle y joue les stars !

 

 

Dès la première année de son ouverture, le Parc abrite déjà 60 000 rosiers. Et pour les Floralies, ce sont plus de 200 000 rosiers qui sont mis en scène, composant une symphonie éblouissante de couleurs et de parfums, de formes et de variétés : on peut y admirer les nombreuses créations des rosiéristes orléanais et bellegardois mais aussi les obtentions les plus récentes des grands noms de la rose de France et d’ailleurs.

Un « cheminement des roses » conduit le visiteur d’émerveillement en émerveillement, à travers plusieurs roseraies de styles différents. Voici tout d’abord (sur l’actuelle grande plaine) la « Roseraie Paysagère », considérée alors comme la plus vaste roseraie européenne, présentant de grandes masses de rosiers nains parsemés de grimpants en colonnes et en vasques, et de plates-bandes associant rosiers et vivaces. Ornée en son centre de la statue de la Source par Volti, elle est traversée d’une allée sinueuse, « l’Allée des Roses », qui mène aux roses anciennes des collections de la Roseraie de l’Haÿ-les-Roses. Un peu plus loin se trouve la « Roseraie à la Française » (qui est à l’origine de l’actuelle roseraie du Miroir). Puis, en suivant la rive droite du Loiret, on entre dans la « Roseraie de l’Europe » regroupant les productions des rosiéristes européens. Enfin, en se dirigeant vers le Hall des Expositions, on découvre la « Roseraie Belge », toute dédiée aux apports des horticulteurs belges très présents aux Floralies.

 

 

Le temps le plus fort de cet époustouflant festival de roses en plein air a été, en juin, le Salon de la Rose dans le grand Hall : pendant quelques jours, plus de 185 000 visiteurs se sont pressés pour admirer cette exposition éphémère mais inoubliable, où les plus célèbres rosiéristes ont organisé un véritable feu d’artifice floral.

Deux roses délicates sont nées lors de cette belle aventure des Floralies : la rose « Madame Maurice Genevoix » (rose argenté à l’avers, carminé au revers), créée par le rosiériste orléanais Hémeray-Aubert en hommage à l’épouse de l’écrivain, lui-même grand amoureux des jardins et des roses. Maurice et Suzanne Genevoix, avec leurs filles Françoise et Sylvie, ont assisté au baptême de cette rose nouvelle aux Floralies en avril, au cours d’une cérémonie charmante. André Eve a, quant à lui, dédié l’une de ses créations à l’ingénieur horticole Albert Poyet, directeur des Services des Jardins de la Ville d’Orléans, qui avait supervisé les travaux de création du Parc et des Floralies : la rose « Albert Poyet » est un beau rosier grimpant qui fleurit généreusement jusqu’à la fin de l’automne.

 

 

Une autre rose conserve le souvenir de ces grandes heures des Floralies : celle, fragile et éternelle, qui a fleuri sous le burin de l’artiste orléanais Jean-Pierre Blanchet, qui avait gravé pour les Floralies deux illustrations pleines de poésie.

Les années ont passé, les modes ont changé, les roses se sont fanées mais d’autres ont été replantées et fleurissent toujours pour notre plus grand bonheur, dans la Roseraie du Miroir, bien sûr remise au goût du jour mais héritière d’une partie de ces somptueuses collections réunies pour les Floralies.


épisode n°3

Le jardin du Monde

« L’Orléanais est pour six mois le jardin du monde. » – affichait fièrement en haut de page la République du Centre en avril 1967. Quel beau titre de gloire ! Et Paris-Match renchérissait : « Orléans, le plus grand bouquet du monde ! ». C’est qu’il s’agissait, à travers ces Floralies, de relever un défi d’envergure internationale, ce n’était pas rien…

 

 

Mais les horticulteurs de la région orléanaise avaient depuis longtemps l’habitude des échanges internationaux et avaient noué, au fil de leurs déplacements à l’étranger et de leurs exportations, des liens très étroits avec les professionnels de l’horticulture dans de nombreux pays, où leurs productions étaient renommées. Les plus célèbres d’entre eux avaient même été de véritables globe-trotters des plantes ; ouverts au monde, ils avaient été les premiers à jeter les bases de la Fédération Internationale Horticole en 1910. Aussi la candidature d’Orléans pour organiser des Floralies Internationales pour la première fois en France, reçoit-elle les échos les plus favorables de la part de l’Association Internationale des Producteurs de l’Horticulture (qui va d’ailleurs tenir son congrès à Orléans à cette occasion), dont les membres se disent prêts à participer à cette grande manifestation, plus que légitime au cœur d’une région horticole à la réputation mondiale. L’évènement va donc avoir une dimension « sans frontières », que, le jour de l’inauguration, Marcel Turbat, président du Comité International des Floralies, souligne joliment dans son discours en parlant « de l’Europe rose, celle des fleurs ».

 

 

Tout au long des Floralies, l’horticulture étrangère est brillamment représentée par une trentaine d’exposants originaires de 15 pays apportant leurs plus belles productions, avec évidemment une forte présence européenne : Belgique (le plus important contingent), Pays-Bas (pour des féeries de bulbes et de dahlias), Luxembourg, Allemagne, Danemark, Grande-Bretagne, Irlande, Italie, Portugal. Mais certains exposants viennent de beaucoup plus loin : Etats-Unis, Japon, Libéria… Symbole de cette « Internationale » des fleurs, un Jardin des Nations trône en bonne place, entre le Miroir et le Hall des Expositions ; et plusieurs des manifestations des Floralies se sont déroulées sous le signe de « l’Europe des Fleurs ».

 

 

Côté visiteurs, le Parc a reçu, parmi les nationalités les mieux représentées, de nombreux visiteurs belges et néerlandais, allemands, suisses, anglais, américains. Mention spéciale pour nos amis de Münster, ville-jumelle d’Orléans en Allemagne, qui, très présents sur les Floralies, y ont même apporté un ballon baptisé « Münsterland », offrant des balades en hauteur par-dessus les tapis de fleurs. Pour recevoir ces visiteurs venus de partout, un groupe de 25 charmantes hôtesses a été formé, surnommées « la garde rouge » à cause de leurs élégants tailleurs couleur « coq de roche », parlant au total 9 langues (et elles ont eu beaucoup de succès ! La prestigieuse Revue des Deux Mondes écrit même poétiquement dans son compte-rendu en avril 1967 : « Fleurs parmi les fleurs, les hôtesses en uniformes rouges brillent comme des coquelicots… »).

 

 

D’autre part de nombreux colloques et congrès nationaux et internationaux se sont tenus dans le cadre des Floralies et ont rassemblé des participants de nationalités différentes, donnant à l’évènement une large audience par-delà les frontières. Par exemple les chrysanthèmes et le Japon ont été particulièrement mis à l’honneur avec le congrès des Chrysanthémistes qui organisait, peu de temps après, une sensationnelle exposition internationale de chrysanthèmes, honorée le jour de son inauguration par la présence de l’ambassadeur du Japon en France.

Grâce à cette grande aventure, la notoriété du Parc était lancée à l’étranger ; et les innombrables végétaux apportés par les pays amis allaient y croître et embellir, faisant plus que jamais du Parc de la Source un jardin du monde, où les arbres des cinq continents ont toujours des histoires sans fin à nous raconter. Une invitation au plus beau des voyages…


épisode n°4

Floralix, le village gaulois

Les Floralies, exposition d’un genre nouveau en France, s’accompagnaient d’une attraction plus ludique et commerciale, elle aussi totalement novatrice : un « vrai » village gaulois, grandeur nature, d’une superficie de 3 ha ! Un parc à thème avant l’heure baptisé Floralix, qui a attiré un monde fou, en marge de la manifestation horticole et florale proprement dite, et qui a été utilisé comme argument publicitaire de choc.

Ce village se trouvait de l’autre côté du Dhuy qu’on traversait par trois petits ponts en dos d’âne. L’idée en avait été proposée à l’Association Florale orléanaise par Ned Rival, ancien animateur de radio devenu conseil en relations publiques. En effet les héros d’Uderzo et Goscinny connaissent alors un immense succès : un an avant l’ouverture du parc Floralix, l’hebdomadaire l’Express consacre sa Une au « Phénomène Astérix ». Cette année-là, près de deux millions d’albums dessinés par Goscinny ont été vendus en France ; Astérix fait partie des best-sellers de l’année et Floralix va joyeusement voguer sur la tendance.

 

 

On fait donc sortir de terre un village gaulois « pour de vrai », avec sa grande place, sa maison du chef, ses rues, ses huttes aux toits de chaume, sa halle, son élevage de sangliers, sa maison du barde sur pilotis. En face du village, le camp romain avec ses tentes et son arène. Le tout est entouré d’une enceinte avec portes monumentales et tour de guet. Et pour annoncer la couleur, à l’entrée du village, une imposante statue du petit gaulois moustachu accueille les visiteurs (sur son socle on peut lire : « A Astérix, Floralix reconnaissant. »)

 

 

Mais le clou du spectacle, c’est le fameux temple gallo-romain, le temple de Mars Mullo. Le recteur Gérald Antoine (le tout premier recteur de la nouvelle académie d’Orléans-Tours) adhère au projet de reconstitution d’un temple et confie à un éminent professeur de la Faculté de Lettres de Tours, le professeur Borius, la mission de veiller à la vérité historique de la réalisation. On fait dans le sérieux, et ce n’est pas un temple de fantaisie que l’on reconstitue : on prend modèle sur le temple gallo-romain découvert par M. Pierre Terrouane en forêt d’Allonnes dans la Sarthe en 1952, dédié à Mars Mullo (Mars étant le dieu romain et Mullo son équivalent gaulois). La reconstitution, subventionnée par Paris-Match, Agfa-Gevaert et l’Association florale orléanaise, a été réalisée en deux mois sous la direction du décorateur Jean Clamens (originaire de Boynes), d’après les conseils du Pr Borius. Le temple est construit en staff sur tubes, des artisans staffeurs orléanais ayant été chargés de la reproduction fidèle des colonnes et des chapiteaux. Il a fallu 21 km de tubes et 23 tonnes de plâtre que l’entreprise Portier (Peintures et Décorations à Orléans) a recouvert de 4 tonnes de peinture ! Cette ambitieuse construction fait 23 mètres de hauteur, 38 mètres de long et 22 mètres de large.

 

 

 

 

Comme on a vu grand, très grand, on a pris un peu de retard et le village gaulois n’est pas achevé lors de l’inauguration (il le sera en mai). Edgar Faure, le jour de l’inauguration, visite donc Floralix encore en chantier et dans la boue, ce qui ne l’empêche pas de trouver cela fort amusant : on le voit même se coiffer d’un casque gaulois devant les journalistes ravis – ce qui fait écrire au Canard Enchaîné le lendemain « Pour une fois que c’est le ministre qui casque ! ».

 

 

Tout au long des Floralies, de très nombreuses animations ont lieu dans le village gaulois : on peut voir dans le temple un ambitieux spectacle audio-visuel permanent, intitulé Florama, dans lequel le délicieux écrivain Gaston Bonheur raconte en images la vie quotidienne de nos « ancêtres les Gaulois ».

 

 

Des concours et des spectacles de variétés se déroulent chaque jour sur la place centrale du village, avec son podium et ses arènes : les grands bals de la Jeunesse, la fête Gauloise de la Pentecôte, des vedettes de music-hall (Polnareff, Annie Cordy, Françoise Hardy, Pierre Perret, Juliette Gréco, Nana Mouskouri entre autres), des programmes TV de l’O.R.T.F. ; une antenne, Radio-Floralix, s’installe sur les lieux, animée par de célèbres speakerines de France-Inter. On pouvait aussi voir dans les rues des bateleurs, des cracheurs de feu, des chiens savants, des briseurs de chaînes, et dans l’arène romaine des courses de chars, l’élection de miss camp romain, et même, en août, les fameux jeux télévisés d’Intervilles.

 

 

Dans un esprit plus commercial, les huttes du village gaulois et les tentes du camp romain ont été louées (assez cher) à différentes enseignes non horticoles : boutiques, drugstores, restaurants, tavernes, galeries d’art… A la discothèque le Tumulus, au restaurant « Chez Cléopâtre » et à la rôtisserie « Au rieur sanglier », on paye en sesterces.

 

 

Au lendemain des Floralies, les structures de Floralix, d’un entretien trop coûteux, seront supprimées les unes après les autres. Seule la halle gauloise connaît une reconversion provisoire : en 1968 elle est installée au Parc des Expositions tout nouvellement construit et ne sera démolie qu’en 1975, remplacée par le « Hall de Prestige. » Avec elle disparaissait le dernier vestige de cette attraction d’avant-garde qui a été, pour l’époque, un énorme succès populaire.


épisode n°5

Le petit train

Les organisateurs des Floralies se sont ingéniés à multiplier les attractions pour rendre la promenade au milieu des fleurs inoubliable pour petits et grands. L’idée du petit train a été des plus heureuses et a traversé le temps pour arriver jusqu’à nous.

On a donc conçu un circuit fermé de près de 3 km, sinuant à travers bois et jardins, dans toute la longueur du parc. Les voies étroites, c’est-à-dire avec un écartement de 0,60 m (on parle alors de « voie métrique »), sont posées à travers le parc, sur les conseils des techniciens de la SNCF. On aménage une gare principale (à l’entrée de Gobson), deux stations (sur le plateau de Sologne et au Pont-Blanc à la hauteur du Hall des Expositions) et même un tunnel qui fait crier les enfants de joie.

 

 

En même temps on se préoccupe du matériel roulant : on récupère deux locomotives à vapeur de 7 et 10 tonnes qui étaient jusqu’alors utilisées dans les carrières morvandelles de Luzy (dans la Nièvre, non loin de Clamecy). Elles avaient déjà bien vécu, puisqu’elles avaient été construites en 1937 à Kassel en Allemagne ! La troisième machine est un locotracteur (diesel) auparavant en service sur la ligne du TPT (Tramway Toury-Pithiviers qui convoyait les betteraves vers les deux grandes sucreries). Quant aux wagons, au nombre de 18, ce sont des anciens tombereaux betteraviers du TPT, transformés en baladeuses et repeints aux couleurs d’Orléans, en jaune et rouge. On remet tout ça en état, avec l’aide de passionnés des chemins de fer, et tout fonctionne pour l’inauguration : les convois ont l’air flambant neuf !

 

 

Cette attraction va connaître un immense succès : son parcours offre un panorama ravissant sur les diverses mises en scènes horticoles, sylviculture, jardin de rocaille, jardin alpin, roseraies et parterres floraux, art du paysage sur le thème « le jardin et la maison ». Il permet, par une traversée longitudinale, de gagner rapidement le grand Hangar des Expositions, en longeant le Loiret, après avoir admiré l’élégante silhouette du Château se reflétant dans le Miroir où fuse un puissant jet d’eau.

 

 

Dès le premier jour, l’affluence est telle que les deux petits trains circulent simultanément et en continu sur le circuit. A chaque halte, le convoi est pris d’assaut… Les 80 congressistes de la Fédération Française de Modélisme Ferroviaire qui tenait justement son Assemblée Générale dans le cadre des Floralies les 29 et 30 avril, n’ont même pas pu monter dans la rame qu’ils avaient spécialement réservée : une foule de visiteurs a garni les bancs sans attendre, devançant les congressistes qui n’ont pu que regarder partir « leur » rame pleine à craquer de voyageurs enthousiastes ! Le journaliste de Loco-Revue qui fait le compte-rendu de la visite précise : « En fin de journée, les machines étaient épuisées à tel point (rupture de tubulure) qu’elles n’ont pas pu reprendre du service le lendemain et que les visiteurs ont dû se contenter du tracteur diesel en réserve. »

 

 

C’est vrai que, pendant ces mois de fête, le petit train n’a pas chômé, sifflant joyeusement et crachant sa fumée tout au long du jour et même des soirées en nocturnes, tractant ses voyageurs qui en redemandaient (fin juillet, il en avait déjà transporté plus de 800 000 !), tant et si bien qu’après la fin des Floralies, il était à bout de souffle et avait besoin de se mettre au vert : la principale locomotive est alors accueillie par le Musée des Transports de Pithiviers ; elle fait aujourd’hui partie de l’Association Tacot des Lacs à Grez-sur-Loing (près de Fontainebleau).

 

 

La Mairie d’Orléans et le Conseil Général du Loiret décident, après la manifestation, de conserver cette attraction et ces équipements qui ont enchanté les visiteurs des Floralies : une nouvelle locomotive, d’un jaune éclatant entre en circulation, baptisée la Lison et bichonnée par son chauffeur Pierre Desbois, véritable vedette auprès des jeunes voyageurs.

Après une pause de quelques années, le petit train a repris du service au printemps 2013, sous la houlette des passionnés de l’Association des Tacots des Lacs, et, depuis, il poursuit son petit bonhomme de chemin, avec toujours autant de succès. C’est un peu l’emblème touristique du Parc.


épisode n°6

Des fleurs par millions…

Lors de son ouverture en 1964, les fleurs étaient inscrites dans l’ADN du Parc, qui revendiquait précisément le nom de « Parc Floral », c’est-à-dire de « parc public spécialisé dont l’organisation et la composition sont caractérisées par d’abondantes décorations florales à effets saisonniers », selon la définition officielle. Et c’était le tout premier Parc Floral de France (le deuxième étant le Parc Floral de Vincennes qui n’a été créé qu’en 1969). Dès 1965, avec ses collections exceptionnelles de roses et d’iris, il était déjà une référence en la matière : par exemple, en mai 1965 s’y tenait le Congrès International des Iris. Cette vocation affirmée de « vitrine prestigieuse de la floriculture » allait prendre, avec les Floralies en 1967, une envergure nationale et internationale.

 

 

En effet, pendant 6 mois, les 35 hectares du Parc ont été transformés en un immense spectacle floral en cent tableaux divers, un festival d’émotions et de floraisons en perpétuelles métamorphoses au fil des jours et des saisons, au fil des ombres et des lumières.  Les fleurs n’ont jamais fait relâche : difficile d’imaginer le travail considérable des jardiniers et producteurs pour que les fleurissements, fragiles et éphémères, se succèdent impeccablement comme à la parade, pour que chaque matin l’enchantement recommence avec des tapis de corolles fraîchement écloses …

 

 

Pendant 6 mois, ce sont plus de dix millions de fleurs qui ont été mises à l’honneur, aux quatre coins du parc. On a pu les admirer, disposées en masses dans les jardins à thème : la rose a bien sûr eu la vedette, dans les trois roseraies, la roseraie de l’Europe, la roseraie à la Française et la roseraie paysagère (Voir Episode 2). Mais les iris ont aussi occupé une place de choix, dans le Jardin d’iris où s’échelonnaient les floraisons de variétés du monde entier. Le Jardin de dahlias s’est transformé en une explosion de couleurs à la fin de l’été, tandis que le Jardin japonais, le Jardin alpin, la Grande Rocaille ont présenté dans leurs milieux spécifiques des fleurs plus rares ou exotiques. Sans oublier les plus de 100 000 bulbes plantés en tapis pour des floraisons printanières, et les 500 000 plantes bisannuelles présentées en grands damiers fleuris ou en savantes mosaïcultures.

 

 

Tirées à quatre épingles et bichonnées par les exposants qui avaient apporté, parfois de fort loin, leurs plus belles productions, les fleurs ont aussi fait leur show dans les très nombreux stands de plein air, tandis que 15000 mètres2 de serres ont été construits pour protéger les essences les plus délicates.

 

 

Enfin, chaque mois a été ponctué par une exposition florale temporaire dans le grand Hall des Expositions – sept présentations sur un thème propre à la saison, qui en ont mis plein les yeux aux visiteurs : en avril, les Prémices printanières ont ouvert le bal avec les azalées, rhododendrons, orchidées, hortensias ; en mai, l’Art floral de printemps célébrait les iris ; en juin le Salon de la Rose a réuni tous les suffrages ; en juillet s’est jouée la Symphonie estivale des parterres fleuris ; en août, c’étaient les Jardins d’été et le Salon du Glaïeul, en septembre, le Salon du Dahlia sur fond de bruyères en fleurs ; et en octobre, l’exposition de clôture sur le thème des Floraisons d’Automne a été le bouquet  final de ce véritable feu d’artifice floral. Et quel succès !

 

 

Dès le lendemain des Floralies, cette vocation florale de très haut niveau n’a fait que croître et embellir : le Jardin des Iris va prendre un développement extraordinaire et acquérir une notoriété mondiale avec l’envoi des obtentions récentes des spécialistes français et internationaux. Les présentations florales artistiques, véritables mini-Floralies qu’adore le public, vont se poursuivre dans le grand Hall, à un rythme soutenu. Les trois roseraies, en constante évolution ont continué à enrichir leurs collections ; à partir de 1980 le Concours International de la Rose d’Or d’Orléans, à l’étroit au Jardin des Plantes, va se dérouler dans la Roseraie à la Française du Miroir. Enfin, à partir de 1977, l’organisation européenne Fleuroselect choisit le Parc Floral de la Source comme « Display garden », c’est-à-dire le jardin français où sont présentées en permanence les nouveautés florales européennes primées. De quoi multiplier à l’infini les tableaux fleuris… Et tout au long de ces années, le Parc accueille de nombreux salons nationaux et internationaux autour de la floriculture.

Depuis, les présentations et les goûts ont changé, et le Parc, jardin d’hier et de demain, jardin de notre temps, poursuit son histoire sans fin si riche d’héritages, toujours sous le signe des fleurs, entre botanique et émerveillement…


épisode n°7

Rêves d’architecture

Dans le cadre des Floralies, le Parc, lieu d’une grande effervescence créatrice, ouvert à des expériences novatrices, a aussi accueilli des réalisations audacieuses et des projets visionnaires d’architectes de renommée internationale. C’est qu’il ne faut pas oublier qu’on était alors en plein dans l’euphorie des « Trente Glorieuses », cette époque marquée par son optimisme et sa confiance dans les ressources de la modernité. En marge des manifestations horticoles, le Parc a donc été le cadre de singuliers « rêves d’architecture » au jardin, dont nous avons conservé quelques remarquables témoignages, et des souvenirs un peu oubliés, entre utopies et réalités…

 

Les pavillons de Jean Prouvé : la maison en liberté.

Promoteur d’un art d’habiter modulable, accessible à tous, le grand ingénieur-architecte qu’a été Jean Prouvé (1901-1984), considéré comme un véritable pionnier dans le domaine de la construction préfabriquée, a été chargé (avec l’architecte Louis Arretche, dont je vous parlerai dans une prochaine chronique, à propos de la serre-restaurant du Parc) de construire dans le Parc des bâtiments destinés à abriter les services : c’est en effet son système modulaire qui est adopté pour les pavillons administratifs et techniques construits près de l’entrée de Gobson, l’idée étant de composer une structure moderne, confortable, lumineuse et modulaire afin de l’agrandir rapidement selon les besoins. Jean Prouvé construit donc, à flanc de coteau, un premier pavillon en 1964, puis un second, à l’identique et en retour d’équerre en 1967 pour les Floralies. Ce sont deux carrés de 8 m de côtés reliés par un vestibule central, associant le bois, le verre et le béton et jouant sur les grandes surfaces vitrées faisant entrer la nature dans les bâtiments. Ils reposent sur des fondations en béton armé et sur un sous-sol en béton à parement brut de décoffrage. Aujourd’hui classés au titre des Monuments Historiques, ces pavillons, qui abritent toujours l’administration du Parc, témoignent fidèlement des conceptions novatrices et de la liberté de ce constructeur de génie.

 

 

 La maison coquillage de Pascal Häusermann 

Dans cette grande euphorie de la création des Floralies, un étonnant projet d’architecture contemporaine a aussi trouvé sa place : la maison coquillage conçue par l’architecte Häusermann. Disparue quelques années après, c’est une maison qu’il avait construite spécialement pour les Floralies, au cours desquelles elle avait intrigué, amusé et attiré une foule de visiteurs ; elle avait d’ailleurs gagné le prix des maisons individuelles organisé par le journal Marie Claire dans le cadre des Floralies.

 

 

Pionnier du renouvellement des formes de l’architecture et de l’urbanisme dans les années 1960, Pascal Häusermann (1936 – 2011) est un architecte suisse très renommé, qui a bouleversé les conventions en réinventant une manière d’habiter et de construire, en mettant au service de la libre expression de l’individu une architecture souple et modulable. A partir de la technique innovante du béton projeté sur armature métallique, il invente une maison individuelle révolutionnaire, une maison ovoïde, facile à construire et à transporter, dont il présente un prototype dans le cadre des Floralies. Cette fameuse maison coquillage (elle a l’air d’un bivalve) a servi de salle de réunion au Comité d’organisation tout au long des Floralies. Le FRAC Centre a conservé de nombreux documents, plans, dessins, concernant l’œuvre de Pascal Häusermann, dont les plans de la maison coquillage.

 

 

 

 

 

Les maisons-coques ou « clubs de jeunes » de Gérard Grandval.

Ces trois drôles de structures sur pilotis se trouvaient à droite de l’entrée principale des Floralies (entrée côté Gobson aujourd’hui), une vingtaine de mètres après l’entrée et la gare du petit train. Elles ont été occupées pendant toutes les Floralies par l’exposition d’urbanisme organisée par la S.E.M.P.E.L. (Société d’Economie Mixte pour l’Equipement du Loiret). Ces habitats du troisième type avaient été imaginés, dans le cadre du projet « les Mille Clubs de Jeunes » du Ministère de la Jeunesse et des Sports, par le jeune architecte Gérard Grandval (né en 1930), déjà bardé de diplômes et de prix, qui s’élevait contre les immeubles en forme de « boîtes à chaussures » du mouvement moderne et prônait des formes organiques, telles ces amusantes « maisons-coques », appelées aussi « unités-coquilles ». Exposées pour la première fois dans le cadre des Floralies, préfabriquées et faciles à assembler par simple boulonnage, elles ont suscité un très grand intérêt, mais sont restées à l’état de prototypes. Deux de ces prototypes sont démontés à la fin des Floralies et remontés dans le Loiret à Boiscommun, pour servir de local aux Eclaireurs et Eclaireuses. Quant au troisième, il est installé en 1969 à la Source pour servir d’annexe à la Maison des Jeunes et de la Culture, mais il est entièrement détruit par un incendie en novembre 1970…

 


épisode n°8

L’art en bonne place

Décidemment, on n’a pas manqué d’idées ni d’ambition pour que ces Floralies soient un évènement marquant dans bien des domaines ! On a même réussi à faire de ce grand show floral une manifestation de prestige où l’Art moderne a eu la part belle. On l’a un peu oublié, mais les Floralies Internationales d’Orléans ont été l’un des temps forts de la vie artistique en 1967 : la fine fleur de la sculpture et de la peinture contemporaines s’y était donné rendez-vous, pour une exposition en plein air de grande envergure. A l’enchantement de la promenade au milieu du plus beau jardin du monde s’était ajouté, pour les 2. 300 000 visiteurs, une foule de découvertes artistiques parfois surprenantes, entre traditions et avant-gardes. L’Art moderne était mis à la portée de tous les publics, dans un cadre inoubliable : c’était bien plus amusant qu’une visite au musée !

 

 

Cette initiative audacieuse visait à démontrer que l’horticulture était non seulement un secteur florissant de l’économie orléanaise, mais aussi un art, comme l’avait déclaré avec enthousiasme le ministre de l’Agriculture, Edgar Faure, dans son discours d’inauguration : « La Beauté devient un sujet économique… » Partout dans le Parc, au fil des saisons, somptueuses scènes fleuries et œuvres d’art de valeur ont cohabité avec bonheur, sur la toile de fond des vieux arbres séculaires ; et ces présentations ont été largement plébiscitées par le public, qui ne s’est pas lassé, tout au long des 6 mois des Floralies, de découvrir, dans le plus beau des écrins qui soit, les nombreuses créations d’artistes contemporains de renommée nationale et internationale, mêlant dans une grande liberté classicisme de bon aloi et modernisme plutôt décoiffant…

 

 

C’est que dans ce domaine aussi, les organisateurs ont bien, très bien fait les choses. Sur les conseils de l’écrivain Maurice Genevoix et du maire Roger Secrétain, tous deux grands amateurs d’art, ils se sont adressés à deux autorités en la matière : la section de sculpture de l’Association Blumenthal (réunissant les lauréats de ce prix prestigieux) et la Société des amis de la Biennale de sculpture contemporaine « Formes humaines » (créée en 1964 dans le cadre du Musée Rodin). Ces deux associations ont ainsi réuni de nombreuses œuvres d’artistes de très grande réputation, et ce ne sont pas moins de 60 sculptures des maîtres contemporains qui ont été installées au long des allées ou au milieu des parterres. On pouvait ainsi admirer des œuvres de figures majeures comme Rodin, Maillol, Modigliani, Malfray, Gimont, Bourdelle, Ossip Zadkine, mais aussi Chana Orloff, Robert Couturier, Robert Wlérick, Antoniucci Volti, René Collamarini, Louis Leygue, Maria Morgan-Snell, Fenosa et bien d’autres encore… Une remarquable sélection de dessins et tableaux des grands noms de la peinture contemporaine, sur le thème de la nature et des fleurs, y a été aussi exposée dans divers bâtiments des Floralies, tandis que le peintre Jean Carzou a eu droit à une importante rétrospective de son œuvre au Musée d’Orléans de juin à septembre 1967. La Société des Artistes Orléanais, profitant de cette grande effervescence artistique, a aussi organisé son Salon annuel dans le cadre des Floralies.

 

 

De cette exceptionnelle aventure artistique, le Parc a conservé quelques précieux témoignages : la célèbre statue de « La Source » d’Antoniucci Volti, qui se trouvait au moment des Floralies au centre de la Roseraie paysagère, « La Jeunesse » de René Collamarini au bord du Loiret, le Grand Cervidé de cuivre de Louis Leygue qui dominait le Miroir, y était resté et avait été racheté par la Ville en 1969 (il a été, depuis, déplacé dans le sous-bois au-dessus de la grande rocaille). Quelques années plus tard la Ville d’Orléans s’adressera à deux de ces artistes que les Orléanais avaient découverts et appréciés aux Floralies, pour l’ornementation du nouveau Centre Municipal et du nouveau Musée des Beaux-Arts : Louis Leygue réalise en 1982 la statue « L’Hiver » et les mosaïques qui décorent le patio du Centre Municipal ; et Antoniucci Volti est sollicité en 1984 pour l’inauguration du bâtiment actuel du Musée des Beaux-Arts, pour laquelle il propose « La Pensive », une sœur presque jumelle de notre « Source » du Parc, et que l’on peut admirer devant l’entrée du Musée.

 

 

Le Parc aujourd’hui conserve cette vocation singulière et accueille régulièrement de nouvelles œuvres d’art, nichées dans la verdure, un peu mystérieuses, invitant à la rêverie : « La Tontine géante » d’Éric Renault, « Les Amants bleus » de Michel Wohlfahrt, « Les Portes » de Michèle Saint-Rémy, et d’autres qui se laissent découvrir le temps d’une saison …


épisode n°9

Une cathédrale de verre au milieu des fleurs

La serre restaurant du Parc

En imaginant un restaurant-serre de conception totalement nouvelle, tout en jeux de lumières et de transparences, offrant à la fois un merveilleux décor d’exposition de végétaux exotiques et un vaste espace de restauration de qualité, les membres du Comité d’organisation des Floralies ont vraiment eu une idée géniale. L’afflux potentiel des visiteurs justifiait la création d’une importante salle de restaurant de 800 couverts (pouvant être subdivisée en deux espaces de 300 et 500 couverts) ; mais ce qui était original, c’était de l’intégrer à une grande serre entièrement ouverte sur la nature et les fleurs pour rester dans l’esprit des Floralies, installée dans le plus beau site du Parc, dans une clairière dominant la source du Loiret. Les organisateurs voyaient loin : ils voulaient une infrastructure pérenne, qui serait un bâtiment-phare des Floralies, et qui resterait par la suite un équipement touristique de prestige pour le Parc.

 

 

Pour mener à bien cet ambitieux projet, les organisateurs s’adressent au célèbre architecte Louis Arretche, qui travaille à cette époque sur la « ville nouvelle » de La Source dont il a dessiné le plan-masse. C’est Albert Poyet, ingénieur horticole au sein de la Société d’Economie Mixte pour l’Exploitation du Parc, qui s’occupe des relations avec l’architecte et ses collaborateurs et leur communique, début janvier 1966, le programme de la structure à concevoir : « La salle de restaurant sera construite en podium à l’intérieur du bâtiment pour permettre aux convives des vues directes, d’une part sur la source du Loiret et d’autre part sur les présentations florales de la serre chaude. » Pour les matériaux, les volumes et les agencements, il laisse carte blanche à Louis Arretche, qui se tourne immédiatement vers le célèbre ingénieur-constructeur Jean Prouvé pour mener à bien le chantier avec lui, tandis qu’il est décidé que les travaux sur place seront suivis par Claude Lefèvre, l’architecte d’opération orléanais.

 

 

L’architecte Louis Arretche et l’ingénieur Jean Prouvé vont unir leurs talents pour réaliser un édifice unique en France : ils conçoivent une structure de 1 000 m2 sur deux niveaux, la serre se situant légèrement en contrebas pour que les plantes puissent être vues des promeneurs, quand le restaurant s’organise en hauteur en deux entités distinctes (le self-service et le restaurant). Tout cet ensemble se présente sous la forme de deux volumes transparents juxtaposés, sur une ossature mêlant bois lamellé-collé et métal, aux façades entièrement vitrées, réunis sous un grand toit à deux pentes inégales retombant sur une poutre centrale en béton apparent.

 

 

Tout au long des Floralies, la serre-restaurant a attiré un monde fou, d’autant plus qu’on avait installé une station du petit train sur le plateau, juste en face. Les milliers de congressistes venus à Orléans pour la circonstance s’y sont retrouvés ; les visiteurs ont surtout plébiscité le self-service. Dans les décennies qui ont suivi, elle est restée l’endroit préféré des Orléanais pour y fêter une foule d’occasions, grandes et petites : anniversaires, mariages, repas d’affaires, banquets, congrès etc. Mais, en regard des coûts très élevés d’exploitation et d’entretien, elle restait insuffisamment fréquentée, tant et si bien que serre et restaurant ont fini par fermer.

 

 

En juillet 2006 le Préfet du Loiret a pris un arrêté inscrivant la totalité de la serre-restaurant à l’inventaire supplémentaire des Monuments Historiques. Et depuis, cette belle réussite architecturale héritée des Floralies attend, un peu mélancoliquement, sa restauration et sa réhabilitation prochaines.

* extrait de l’ouvrage de D. Amouroux, Louis Arretche – éd. du Patrimoine


épisode n°10

Sur un air de fête

Côté fleurs, on en avait eu plein les yeux pendant six mois ; côté attractions, on s’était amusé comme des fous au village gaulois ou dans le petit train qui n’en pouvait plus de tracter des convois de voyageurs hilares. Et il y avait eu tant d’autres petits et grands moments de fête au fil des heures du jour et de la nuit, de ces moments qu’on n’était pas près d’oublier !

 

 

Le charmant théâtre de verdure (qui occupait l’emplacement actuel de la Place de Sologne) avait accueilli de nombreuses représentations, dont le clou avait été au mois d’août le célébrissime Roméo et Juliette de Shakespeare joué par la troupe d’Orléans. Les amateurs de musique avaient été gâtés : plusieurs concerts s’étaient succédé tout au long des Floralies, donnés par la Garde Républicaine, des musiques municipales des quatre coins de la France, et bien sûr la fanfare d’Orléans qui s’en était donné à cœur joie (et dont les musiciens avaient même joué habillés en gaulois, avec casque sur la tête et grosse moustache obligatoire, le jour de l’inauguration). De nombreux groupes folkloriques régionaux s’étaient produits, chantant et dansant au milieu des fleurs, devant les visiteurs ravis. Et encore des concerts de jazz, des concerts de variétés avec les vedettes de l’époque : il y en avait eu pour tous les goûts !

 

 

Le fameux carillon de cloches Bollée, avec ses neuf cloches fondues spécialement pour les Floralies par les saintiers de la maison Bollée, avait fait un tabac : toutes les trente minutes, il égrenait joyeusement les notes de chansons anciennes, que tout le monde fredonnait, Orléans, Beaugency, Notre-Dame de CléryAuprès de ma blondeGentil coquelicot

 

 

Et le soir, la fête avait continué au cours de nocturnes où le Parc illuminé prenait des allures enchantées : un spectacle en son et lumière faisait revivre l’histoire du domaine de la Source, transformant en un décor de conte de fées le château, le Miroir et la « Maison de Blanche-Neige » (c’est-à-dire le petit moulin qui avait été réalisé, ainsi que le décor floral environnant, pour les Floralies par la région Bretagne-Poitou-Charentes, et qui existe toujours).

 

 

On avait admiré l’envol des ballons de Munster, en rêvant de s’envoyer en l’air… Les philatélistes avaient rempli leurs albums de timbres, de cartes et d’enveloppes 1er jour, édités spécialement pour les Floralies, et tous plus beaux les uns que les autres : c’est le 29 juillet qu’avait été lancé le fameux timbre des Floralies, avec l’orchidée d’Huguette Sainson gravée par Jean Pheulpin, dans un bureau des PTT installé spécialement dans le grand Hall des Expositions, en présence d’Henri Duvillard, ministre des Anciens Combattants qui s’était volontiers prêté à la signature d’autographes sur les enveloppes oblitérées, et de Roger Secrétain, maire d’Orléans.

 

 

Les gourmands s’étaient léché les doigts tant et plus au grand concours du « Gâteau des Floralies », qui s’était déroulé dans la serre-restaurant et où les plus grands pâtissiers locaux avaient rivalisé d’imagination pour créer des chefs d’œuvre fleuris de roses en sucre. Pour la Fête gauloise de la Moisson, le 15 août, on avait dévoré jusqu’à la dernière miette la plus grande galette du monde, confectionnée à cette occasion. Et pour la Saint-Fiacre, qui avait été aussi célébrée dans le Parc, on avait croqué par pleins paniers les fameux « ovales » en pâte feuilletée. On était aussi allé à la messe en plein air à la chapelle du Parc, que l’on avait agrandie pour l’occasion d’un autel extérieur.

 

 

Enfin on avait vendu comme des petits pains l’adorable couple de jardiniers, Flor et Florette, les mascottes des Floralies : ces petites poupées en chapeau de paille et sabots, fabriquées en série limitée pour les Floralies par la maison Convert, sont aujourd’hui recherchées par les collectionneurs, tout comme les porte-clés à leur image.

 

 

Ainsi de fil en aiguille, de fête en fête, de découverte en surprise, d’émotion en fou-rire, de coup de soleil en averse, le rideau n’allait pas tarder à tomber, le 15 octobre 1967, après les derniers feux jetés par le Salon d’Automne croulant sous les fleurs, les fruits et les légumes. Il allait falloir se dire adieu, sous la pluie, avec un peu de nostalgie… Mais, quoi qu’il advienne, le pli était pris : le sens de la fête était inscrit définitivement dans l’ADN du Parc Floral de la Source. Et, croyez-moi, il n’est pas prêt à le perdre, ce sens de la fête. Alors, à très bientôt au Parc.

 

 

Et que la fête continue, cinquante ans après, cinquante ans déjà…

 

Anne-Marie ROYER-PANTIN